Convention de Singapour

Cette lettre est consacrée à l’événement majeur intervenu en août en Asie et de portée mondiale : la signature de la “Convention de Singapour” (en anglais “United Nations Convention on International Settlement Agreements Resulting from Mediation”). La Convention faisant déjà l’objet de nombreux commentaires et analyses théoriques, la vision pratique du professionnel et l’angle proprement asiatique seront privilégiés dans cette présentation. La signature ouverte le 7 août 2019 de la “Convention de Singapour sur la Médiation” selon son titre abrégé officiel a rassemblé les signatures simultanées de 46 nations, un record pour une convention des Nations Unis dans le domaine du commerce international. Cinq pays supplémentaires ayant depuis rejoint les signataires originaux les 25 et 26 septembre, le nombre des États s’étant engagés à respecter les termes de la Convention s’élève déjà à 51. Ceci constitue un indicateur positif quant à ses chances d’entrée en vigueur, qui pourra intervenir six mois après la ratification par trois États membres, un objectif qui semble tout sauf irréaliste.
Joint-Venture en Chine

Lettre d'information N°3 - Convention des Nations Unies sur les Accords de Règlement internationaux issus de la Médiation

Une convention des pays émergents ?

Un point attire immédiatement l’attention : parmi les signataires ne figure pas un seul État européen. Et pas un seul pays “occidental” non plus, à l’exception notable des Etats-Unis. En revanche, la liste est conséquente chez les pays de la “Grande Asie Océanie” : Brunei Darussalam, Chine, Fidji, Inde, Malaisie, Maldives, Philippines, République de Corée, Laos, Samoa, Singapour, Timor-Leste. Elle est également très fournie de pays d’Afrique et de Proche/Moyen Orient, plus l’Ukraine et la Kazakhstan. On aurait pu s’attendre à un intérêt plus marqué de la part d’autres pays, les très nombreux États membres signataires de la Convention de New York (Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères de 1958). Dans l’attente, on voit se constituer un bloc potentiel de législations favorables à la médiation centrée autour de l’Asie, l’Amérique du Sud, l’Afrique et les États du Golfe. Ce qui devrait intensifier les relations commerciales au sein de ces régions et entre celles-ci plutôt qu’entre celles-ci et l’occident.

Mais où la France occupe une position particulière

La position de la France, pourtant, n’est pas entièrement semblable à celle de ses partenaires ou concurrents occidentaux. En effet, elle est le seul pays européen avec la Belgique, la Suisse, le Luxembourg et la Hongrie, et le seul pays occidental avec deux états du Canada (Nouvelle-Écosse et Ontario) et douze états des États-Unis (dont le District of Columbia mais pas le Delaware…), à avoir adopté un texte de droit interne s’inspirant de la Loi type de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur la conciliation commerciale internationale. Une constatation intéressante à croiser avec la liste des pays asiatiques ayant fait de même, qui ne comporte qu’un seul État… la Malaisie. Il ne “reste donc plus que” la France signe la Convention de Singapour pour qu’un axe se constitue entre les deux pays, Paris et Kuala Lumpur devenant ainsi deux places privilégiées pour le déroulement des médiations commerciales entre non seulement la Malaisie et la France mais aussi tous les pays qualifiant selon les deux critères. Si l’on rapproche les 51 pays signataires de la Convention de Singapour des 33 pays ayant pris comme modèle la Loi type, le résultat est comme suit, dans l’attente de nouveaux pays rejoignant la Convention :
  • Bénin
  • Congo
  • République Démocratique du Congo
  • Gabon
  • Guinée-Bissau
  • Honduras
  • Macédoine du Nord
  • Malaisie (pour mémoire)
  • Tchad
D’autres pays influencés par la Loi type qui ont susceptibles d’adhérer à la Convention ont un lien sous une forme ou une autre avec la France et notamment des pays africains :
  • Burkina Faso
  • Cameroun
  • Guinée
  • Mali
  • Niger
  • République Centrafricaine
  • Sénégal
  • Togo
Un potentiel considérable s’ouvre donc à la France comme un centre majeur de médiation commerciale internationale avec l’Asie et l’Afrique et entre ces continents.

Les atouts de la médiation commerciale

Les avantages "traditionnels" de la médiation

On connaît les avantages les plus fréquemment avancés de la médiation : rapidité,  souplesse, moindre coût que l’arbitrage et, pourraient dire certains, moindre risque d’être lié par une décision insusceptible d’appel qui pourrait être de qualité jugée insuffisante par une partie, voire les deux quoique irréprochable formellement au regard des critères de la Convention de New York.

A quoi il faut ajouter un argument extra-juridique: une chance plus élevée de pouvoir préserver la continuité des relations commerciales entre les parties.

Un avantage annexe : la flexibilité et...

…le recours possible à “l’imagination commerciale“. Guidées par un médiateur ayant l’expérience du secteur de l’industrie ou du commerce considéré, les parties peuvent s’entendre sur une solution mutuellement acceptable qui n’est pas le seul résultat de la confrontation de la validité des arguments juridiques de chacun, mais une voie directe vers un arrangement pouvant faire intervenir des éléments extérieurs au différend, dans le cadre d’un vision plus globale de leurs intérêts mondiaux commerciaux ou industriels. Ceci peut revêtir, dans le respect des règles de la concurrence si applicables, des partages de marché, ou de titres juridiques comme les marques sous forme d’un accord de coexistence. Seule la médiation autorise cette approche pragmatique élargie, et cet avantage moins souvent cité que les autres ne devrait pas être négligé. Ce qui requiert, mais c’est le fondement même de la médiation commerciale internationale, l’intervention d’un médiateur connaissant l’entreprise en général et le secteur d’activité considéré : une simple négociation bilatérale et frontale ne pouvant aboutir avec la même efficacité.

Un élément de comparaison plus neutre qu’il n’y parait : la confidentialité

Un autre avantage fréquemment présenté en faveur de l’arbitrage face au recours aux tribunaux est la confidentialité, mais d’une part celle-ci n’est pas dans tous les cas une exigence ni même un souhait des parties, d’autre part elle peut être assurée contractuellement. Certes, dans ce dernier cas, une violation de l’engagement de confidentialité ne peut faire l’objet que d’une demande en réparation selon les règles de droit commun, dans une autre juridiction que celle de l’accord transactionnel si la médiation est internationale. Mais l’encadrement législatif et réglementaire de la médiation peut contribuer au respect de la confidentialité dans les pays ayant adopté dans leur droit interne les principes de la Loi type de la CNUDCI sur la conciliation commerciale internationale. Celle-ci consacre deux articles à ce thème. L’article 9 intitulé “Caractère confidentiel” pose en des termes non équivoques ce principe: “Sauf convention contraire des parties, toutes les informations relatives à la procédure de conciliation doivent demeurer confidentielles, sauf lorsque la divulgation est exigée par la loi ou est rendue nécessaire pour la mise en œuvre ou l’exécution de l’accord issu de la conciliation.” L’article 10 “Recevabilité des éléments de preuve dans une autre procédure” :
  • Interdit à une partie, au “conciliateur” (ce qui inclut le médiateur dans la phraséologie de la Loi type) et à toute personne “associée à l’administration de la procédure de conciliation” ou “autre tiers” (qui peuvent être des témoins ou experts) d’invoquer ou de présenter dans une procédure arbitrale ou judiciaire les informations (selon une liste précise) échangées ou émises durant la médiation;
  • Prévoit que la divulgation ne peut être ordonnée par un tribunal arbitral, une juridiction étatique ou une autre autorité compétence, et que de telles informations, si présentées en contradiction de ce principe, sont irrecevables.

Les faiblesses de la médiation commerciale internationale

La médiation présente deux inconvénients bien connus en tant que mode de règlement définitif d’un différend.

Une faiblesse largement soulignée...

…est qu’elle ne peut aboutir sans accord des deux parties et qu’elle ne revêt pas de caractère contraignant. Les parties, en effet, ne sont pas dans l’obligation de se rallier à la recommandation du médiateur. Ce qui est très exactement l’effet miroir inverse de l’avantage/ désavantage de l’arbitrage, et à ce titre on peut considérer que les deux voies sont d’égale valeur, et que le choix entre les deux dépend de la préférence éclairée (si possible) des parties.

Dès lors qu’elles consentent à adopter la solution issue de la médiation, toutefois, et si un accord transactionnel valide est conclu, l’accord transactionnel issu de la médiation engage les parties.

Mais demeure l’obstacle...

…de l’exécution de la transaction, qui suit la règle de l’exécution des contrats. Ceci peut être sans grave inconvénient dans le cas d’une médiation domestique, mais il en va autrement lors d’une médiation internationale où les parties et surtout leurs actifs peuvent être situés dans une juridiction différente de celle du lieu de conclusion de la transaction.

En l’état actuel, la partie victime de l’inexécution d’une transaction dans un autre État n’a d’autre ressource que d’intenter une action en violation d’une obligation contractuelle, ce qui nécessite d’obtenir un jugement dans une autre juridiction que la sienne et de le faire exécuter.

C’est ce défaut dans le mécanisme de la médiation qui fait largement de l’arbitrage l’option par défaut dans la plupart des contrats internationaux.

Le défaut de finalité de la médiation

À la différence de la sentence arbitrale, l’accord transactionnel ne signifie pas nécessairement la fin de la situation conflictuelle. La question ne se pose pas si les parties exécutent spontanément l’accord transactionnel, ce qui n’est tout de même pas si rare dans la pratique des affaires, où les responsables en charge dans les entreprises sont  fréquemment “soulagés” de n’avoir plus à consacrer du temps managérial à une affaire (et régler des honoraires d’avocat). Mais demeure le risque, et il n’est pas que théorique, de la mauvaise volonté de l’autre partie à l’accord transactionnel. Ce qui peut intervenir du fait de la résistance de certains services internes, de changement d’organisation…etc. et même dans certains cas de la franche malhonnêteté. C’est alors que l’étape supplémentaire de l’exécution dans une autre juridiction sur la base d’une convention n’ayant pour toute valeur que celle de tout autre contrat devient un réel problème. Dans des situations plus complexes, il peut arriver qu’une partie ayant renoncé à certains droits dans un accord transactionnel en demande pourtant la reconnaissance dans une procédure distincte, arbitrale ou judiciaire, dans une autre juridiction que celle où l’accord a été conclu. Ceci pour les mêmes raisons que ci-dessus, ou encore par changement de stratégie commerciale. Dans pareil cas, le signataire de bonne foi d’un accord transactionnel ne peut pas opposer un refus de plein droit à cette action mais doit prouver la validité de l’accord transactionnel devant la juridiction où l’exécution est demandée, qui n’est pas nécessairement la sienne mais peut être celle où il dispose d’actifs significatifs.

L’apport de la Convention de Singapour est décisif, et porte sur ces deux aspects

Sous le régime de la Convention, les pays signataires et leurs tribunaux s’engagent à reconnaître et exécuter l’accord transactionnel (ou “accord de règlement” selon la phraséologie de la Convention) sans examen au fond ni a fortiori exigence d’une nouvelle action. Par voie de conséquence également, il est possible de demander devant les tribunaux du lieu d’exécution toutes mesures conservatoires, ou l’exécution forcée des engagements (“specific performance”).

La Convention de Singapour permet :

  • l’exécution des transactions issues d’une médiation internationales dans un autre État que celui où elles ont été conclues, selon les règles de procédure en vigueur dans l’Etat où l’exécution est demandée (article 3.1.); et
  • la reconnaissance de l’accord transactionnel, permettant à une partie faisant l’objet d’une action judiciaire pour une cause déjà contenue dans un accord transactionnel de se reposer sur cet accord pour contester la demande (article 3.2.)

Le champ d’application de la Convention...

…est en partie déterminé en fonction des caractéristiques propres de la médiation, et en partie inspiré par le modèle de l’arbitrage international sans en être toutefois la copie conforme. L’accord transactionnel dont il est demandé l’exécution doit être le produit d’une médiation, définie dans la Convention de Singapour comme un processus par lequel les parties cherchent une solution amiable de leur différend avec l’aide d’un ou plusieurs tiers qui n’ont pas le pouvoir d’imposer une solution, et cet accord doit être sous forme écrite; Le différend faisant l’objet de l’accord transactionnel :
  • doit être de nature commerciale (ce qui exclut le droit des personnes, de la consommation, des relations sociales …etc.), la “réserve de commercialité” de la Convention de New York faisant donc ici partie intégrante de la Convention sans constituer une option pour un Etat contractant.
  • doit avoir fait l’objet de traces écrites susceptibles de servir de base (sinon de preuves au sens strict) à la médiation quelle que soit leur forme et pouvant consister notamment comme il est de plus fréquemment habituel dans les procédures alternatives de résolution des différends commerciaux, en des échanges (parfois abondants) de courriers électroniques.
  • doit revêtir un caractère international, parce que les parties ont leurs siège ou établissement principal dans des juridictions différentes ou dans une juridiction différente de celle où intervient la médiation, ou de celle avec laquelle la médiation est le plus étroitement connectée.
Enfin, l’accord transactionnel ne doit être en contradiction avec l’un quelconque des motifs de refus par une autorité compétente, inspirés de la Convention de New York mais adaptés pour tenir compte de la plus grande souplesse de la procédure de médiation. Les accords transactionnels conclus au cours d’une procédure judiciaire et ceux conclus au cours d’une procédure d’arbitrage sont par nature exclus (y compris Arb-Med-Arb dont il est question ci-après). S’ils peuvent faire l’objet d’exécution internationale, ce ne peut être qu’en vertu des conventions qui les concernent, c’est-à-dire respectivement la Convention de la Haye sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile ou commerciale de 2019 et la Convention de New York de 1958.

La Convention et l’Asie

Il est parfois avancé que, puisque la transaction est l’expression d’un compromis librement consenti dans le cadre d’une médiation, son exécution n’est pas susceptible de poser de difficulté. Ceci est exact en logique abstraite, mais ne tient pas compte de la résistance de l’une des parties, qui peut utiliser la médiation pour faire trainer en longueur la résolution du différend et miser sur l’épuisement de l’autre partie, par lassitude ou par diminution des moyens financiers lorsqu’il faut recourir à l’arbitrage ou à l’action judiciaire comme nouvelle étape. Est-ce différent en Asie, où la recherche du consensus est censée faire partie de la culture y compris des affaires ? Le sujet est plus complexe, car si le principe de recherche de résolution amiable est effectivement dominant, et se trouve intégré dans de nombreux contrats commerciaux dont au moins une partie est asiatique, ceci ne s’étend pas jusqu’à l’exécution. Alors que dans une vision occidentale l’exécution forcée d’un accord devenu final et définitif ne choque pas, il en va différemment en Asie où solution amiable et exécution amiable se fondent au sein du même concept de “sincérité”. D’où peut résulter une tendance à considérer que l’exécution d’un accord ne peut intervenir que par la bonne volonté des parties, comme le cheminement ayant conduit à l’accord lui-même. Ce qui, dans le contexte d’une médiation avec une partie étrangère pourrait être susceptible de laisser la partie asiatique dans un doute profond quant à l’exécution volontaire par l’autre partie. On peut considérer comme significatif le fait que selon une étude des “Global Pound Conference series”, presque les deux tiers des personnes/entités interrogées établis dans des juridictions asiatiques ont exprimé que la priorité dans une perspective d’amélioration du cadre juridique des différends commerciaux serait une législation facilitant l’exécution des accords transactionnels. Ce qui ne constituait qu’une préoccupation secondaire dans les autres juridictions interrogées. Ceci peut être constaté au plus près du terrain. En Malaisie, par exemple, il est fait recours à la médiation “domestique” mais très rarement voire pas du tout à la médiation internationale, l’explication donnée étant que “cela ne fait pas partie de la culture locale”.  Il en va de même à Singapour, où le centre de médiation se déclare récepteur de demandes d’administration de médiation, mais essentiellement de nature domestique. Ces constatations vont dans le sens de la confirmation d’un véritable “appétit” pour la médiation en tant que telle, mais avec de sérieuses réserves quant à son volet international, ceci étant selon toute vraisemblance (puisque constituant le seul élément significatif de différentiation) en rapport avec l’incertitude sur l’exécution de l’accord transactionnel. Ce déficit de confiance dans l’exécution d’une transaction commerciale internationale constaté en Asie pourrait expliquer pourquoi les pays asiatiques (et africains, et sud-américains) se sont montrés les plus enthousiastes à adopter la Convention de Singapour. Il semble bien qu’il existe une corrélation entre signature de la Convention et manque de confiance quant à l’exécution des accords transactionnels internationaux, que ce soit  par l’effet de l’ignorance des mécanismes de la médiation dans des pays où il n’y est que rarement recouru, ou par présomption de résistance élevée à l’exécution volontaire de ces accords.

Une solution largement asiatique: le Arb-Med-Arb

Une formule combinant...

médiation et arbitrage n’est pas sans attraits. En principe, elle devrait permettre de donner une chance à la résolution amiable à moindre frais, tout en laissant ouverte l’option de recourir à l’arbitrage en cas d’échec. Le seul écueil à éviter étant les clauses qui ne prévoient pas des éléments objectifs permettant de constater l’échec de la médiation, et ceci ne se limite pas à une limite de temps.

Sous cette condition, l’étape préliminaire ne devrait pas ajouter de façon significative aux coûts ni à la durée de la résolution du différend, la médiation étant supposée avoir éclairci les points de fait et de droit en dispute. Ce qui dépend toutefois de la qualité du médiateur et de la coopération des parties, et de l’appréciation de la valeur de la procédure de médiation par le tribunal arbitral.

Le bon fonctionnement requiert l’accomplissement de deux conditions : que les parties soient d’accord entre elles et avec le médiateur pour que les échanges intervenus dans le cadre de la médiation soient révélés au tribunal arbitrale, et la bonne volonté de celui-ci pour accueillir ces éléments de preuve dans sa procédure.

Une forme structurée...

…de cette approche en deux étapes existe sous la forme de la médiation-arbitrage “Arb-Med-Arb”, populaire en Asie. Les parties optant pour ce système entament une procédure d’arbitrage, mais peuvent en faire diverger tout ou partie vers une médiation. Si celle-ci est couronnée de succès, la partie du différend couverte par la médiation retourne à l’arbitrage, dans lequel elle est incorporée sous forme de “consent award”. La formule est inclue dans la législation de plusieurs pays en Asie Pacifique (Malaisie, Australie, Hong Kong, Singapour ainsi que la Chine) et proposée par certaines instances arbitrales.

La Chine...

…peut-être pour des raisons pratiques autant et plus encore que culturelles, est la plus avancée dans cette direction puisque la médiation est une étape préalable obligatoire en matière de contentieux judiciaire civil depuis la réforme de 2012 du Code de Procédure Civile, et plus près encore du sujet, devant les récemment créées Chambres Commerciales Internationales selon les Règles de Procédure de décembre 2018.

La clause-type suggérée par l'AIAC...

… (Asia International Arbitration Centre) de Kuala Lumpur dans ses Arbitration Rules contient l’option suivante: “Before referring the dispute to arbitration, the parties shall seek an amicable settlement of that dispute by mediation in accordance with the AIAC Mediation Rules as in force on the date of the commencement of mediation.” Toutefois, il ne s’agit pas d’une pure clause de Arb-Med-Arb dans la mesure où la recherche d’un accord amiable doit intervenir avant le début de la procédure d’arbitrage.

Le centre d’arbitrage...

… (Singapore International Arbitration Centre SIAC) et le centre de médiation (Singapore International Mediation Centre SIMC) de Singapour offrent une clause  optionnelle plus élaborée. Celle-ci permet qu’un différend déjà soumis à arbitrage puisse être dirigé vers la médiation soit dans sa totalité soit en partie après avoir été scindé. En cas d’accord transactionnel, celui-ci peut être réincorporé à la demande des parties sous forme de “consent award” exécutoire en vertu de la Convention de New York, et à défaut d’un tel accord la procédure d’arbitrage reprend son cours.

Les limites de Arb-Med-Arb

Aussi attrayante qu’elle puisse sembler...

…cette formule n’est pas sans faiblesses. La moindre n’étant par que le tribunal (de l’ordre judiciaire) auquel est demandé l’exécution la soumettra aux critères de la Convention de New York, et pourrait mettre en cause la neutralité du médiateur, son indépendance, et le libre consentement des parties dans une procédure moins administrée que l’arbitrage même si in fine elle en revêt la forme mais sans en avoir suivi la rigueur du cursus. En d’autres termes, la question de la compatibilité entre la souplesse “imaginative” de la médiation, qui peut être d’une logique plus commerciale que juridique, et des règles strictes de la Convention de New York, demeure incertaine.

Dans la mesure où Arb-Med-Arb est un hybride...

…on peut s’interroger sur ses chances de prospérer à côté d’une forme qui ne l’est pas, celle de la médiation internationale exécutoire via la Convention de Singapour.

En revanche, de nouvelles formules...

…adoptées sous forme purement contractuelle pourraient logiquement s’imposer avec pour objectif de combiner les avantages des deux systèmes. Il s’agirait alors de clauses prévoyant deux stades clairement distincts (et non pas intégrés comme dans la clause Arb-Med-Arb typique), tout d’abord médiation et en cas d’échec de celle-ci recours à l’arbitrage, chaque procédure suivant ses propres règles. Ce qui permettrait de faire échapper la médiation, en tant que procédure autonome, aux accusations de procédure visant à bénéficier indûment des avantages en matière d’exécution de la Convention de New York. Les critères d’éligibilité au bénéfice de la Convention de Singapour et ses motifs de refus étant différents de ceux de la Convention de New York, quoique non dénués de similarité mais sans être identiques, la validité de chaque procédure s’en trouverait renforcée.

Conclusion

La Convention de Singapour vient apporter la touche finale à l’équilibre des trois modes de résolution des différends commerciaux internationaux, ce qui offre dès la négociation et la rédaction du contrat et de sa clause de résolution des différends un choix entre trois voies :

  • les tribunaux, avec une exécution internationale des jugements au titre des Accords de La Haye ;
  • l’arbitrage, avec une exécution internationale des sentences arbitrales au titre de la Convention de New York ;
  • la médiation, avec une exécution internationale des accords de règlement au titre de la Convention de Singapour.

Aucune solution n’est par nature supérieure aux deux autres. Mais la médiation devenant une alternative crédible, ne peut plus être ignorée et présente sans nul doute un défi à la pratique consistant à faire de la clause d’arbitrage une option par défaut des contrats commerciaux internationaux, parfois et même souvent choisie dans l’ignorance de son mécanisme et de ses conséquences.

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Le contenu ci-dessus est à but purement informatif en rapport avec une sélection de l’évolution législative, réglementaire et jurisprudentielle dans la zone géographique concernée, qui ne peut être et ne prétend pas être exhaustive.

Il ne constitue pas un avis juridique en rapport avec un cas particulier et ne doit pas être considéré comme tel.Il peut nous être demandé une étude doctrinale plus approfondie en rapport avec l’un quelconque des thèmes évoqués.

Philippe Girard-Foley LL.M. (Penn) est membre du Law Institute de l’état de Victoria (Australie), avocat étranger accrédité auprès de la Cour Commerciale Internationale de Singapour, avocat conseil de la Chambre de Commerce Franco-Malaisienne et instructing solicitor devant les tribunaux malaisiens, membre du Chartered Institute of Arbitrators de Londres, branche de Kuala Lumpur, et seul avocat indépendant ayant un “correspondant organique” reconnu par l’Ordre des Avocats de Paris en Inde (New Delhi).