À Hong Kong où j’ai vécu près de sept ans avant de m’établir en Malaisie, j’ai rencontré des représentants de la période précédente, celle où les moyens de communication étaient sans rapport avec les moyens actuels.
On m’a lors expliqué que dans une institution telle que la Hong Kong & Shanghai Bank (depuis renommée HSBC), chaque cadre disposait de trois lignes de télex par semaine dans lesquelles il devrait résumer ses préoccupations en rapport avec le siège de Londres. Le reste des échanges avait lieu par courrier. Il fallait plusieurs semaines pour recevoir une réponse, le temps pour la réflexion était autorisé, et il fallait plusieurs semaines pour que les échanges se concluent.
La réalité a changé, mais certains enseignements de ce mode de fonctionnement demeurent.
Dans le nouvel ordre économique mondial la liberté de circulation des marchandises est préservée quoique l’on en dise, mais la liberté de circulation des personnes semble irrémédiablement compromise. Non pas au sens de la liberté d’établissement et de travail dans un autre pays telle qu’elle est entendue au sein de l’Union Européenne. C’est la circulation temporaire et de courte durée, “fugitive” qui est compromise.
Les voyages business “spot” restent possibles pour répondre aux demandes impératives ou imprévues.
Les cadres supérieur commerciaux ou de direction générale continuent de se déplacer pour des négociations cruciales où le face à face est nécessaire pour conclure.
Les experts techniques de haute volée avec une compétence unique continuent d’être envoyés sur les sites locaux.
Mais tout le reste va en quelque sorte “retomber” au sol.
Les déplacements à date fixe se raréfient tandis que les réunions statutaires telles que les Conseils d’Administration sont de plus en plus tenuse en virtuel.
Toutefois, la responsabilité des administrateurs n’est pas virtuelle, et ne fait pas de distinction entre administrateurs résidents et non résidents, ni entre réunions présentielles et virtuelles.
Il faut adapter le comportement juridique de l’entreprise. Le défi est d’adapter les structures de commandement à cette nouvelle fragmentation.
Paradoxalement, et avant toute analyse des conséquences juridiques qui ne seront pas abordées ici, ce changement de fond pourrait conduire au renouveau de l’expatrié permanent, tel qu’il existait avant l’expatrié temporaire en rotation de deux ou trois ans.
Ce concept doit être détaché de son contexte historique pour décrire une réalité telle qu’elle a existé en tant que technique de management des interêts d’une entreprise dans une contrée lointaine avec des moyens de communication limités voire proches de l’inexistant.
La méthode peut concerner aussi bien un cadre japonais en Amérique du Sud, qu’un cadre francais en ASEAN, ce n’est pas la question. On parle ici d’un modèle disparu mais dont la logique redevient suffisamment pertinente pour être examinée.
Dans la version la plus “authentique” du système britannique en Asie, l’expatrié est un jeune homme de bonne extraction en tout cas suffisamment correcte qui vient s’installer avec sa famille pour un nombre indéterminée d’années. Ce peut être dans la finance comme à Hong Kong mais ce peut aussi être dans une plantation à plusieurs dizaines de kilomètres du prochain voisin.
On ne demande pas à cet expatrié d’être intelligent, c’est peut-être même perçu comme un handicap (le pragmatisme c’est mieux) mais d’être fiable, en force de caractère et en honnêteté.
Si l’on veut bien considérer, et des esprits plus éclairés que le mien le suggèrent, que les frontières invisibles liées aux contraintes de déplacement des personnes ont recréé un monde de “blocus” comme au XVIIe et XIXe siècles, alors un modèle ancien peut mériter considération.
Cette réflexion comporte une déclinaison plus juridique en termes de gouvernance à distance, l’expatrié permanent pouvant jouer un rôle de pilier, à aborder dans l’une de nos prochaines Newsletters.
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Philippe Girard-Foley LL.M. (Penn) est membre du Law Institute de l’état de Victoria (Australie), avocat étranger accrédité auprès de la Cour Commerciale Internationale de Singapour, avocat conseil de la Chambre de Commerce Franco-Malaisienne et instructing solicitor devant les tribunaux malaisiens, membre du Chartered Institute of Arbitrators de Londres, branche de Kuala Lumpur, et seul avocat indépendant ayant un “correspondant organique” reconnu par l’Ordre des Avocats de Paris en Inde (New Delhi).